Le Chien des Baskerville

The Hound of the Baskervilles

   X

   Chapter 10

   EXTRAITS DU JOURNAL DE WATSON

   Extract from the Diary of Dr. Watson

   Jusqu’ici j’ai cité certains passages des rapports que j’adressais presque journellement à Sherlock Holmes. Aujourd’hui, j’en suis arrivé à un point de mon récit où je me vois forcé d’abandonner ce procédé et d’avoir recours à mes souvenirs personnels, aidé en cela par le journal que j’ai tenu à cette époque. Quelques extraits me remettront en mémoire les détails de ces scènes fixées dans mon esprit d’une manière indélébile. Je reprends donc au matin qui suivit notre vaine poursuite de Selden et nos autres aventures sur la lande.

   So far I have been able to quote from the reports which I have forwarded during these early days to Sherlock Holmes. Now, however, I have arrived at a point in my narrative where I am compelled to abandon this method and to trust once more to my recollections, aided by the diary which I kept at the time. A few extracts from the latter will carry me on to those scenes which are indelibly fixed in every detail upon my memory. I proceed, then, from the morning which followed our abortive chase of the convict and our other strange experiences upon the moor.

   « 16 octobre. — Journée triste, brumeuse ; il bruine presque sans relâche. D’épais nuages enveloppent le château ; parfois ils se déchirent et laissent entrevoir les ondulations de la lande striée de minces filets d’argent, ruisselets occasionnellement créés par la pluie dévalant sur le flanc raviné des collines. « Tout est mélancolie — au dehors comme au dedans. Le baronnet subit maintenant le contre-coup des émotions trop vives de la nuit précédente. Moi-même, je me sens oppressé. Il me semble qu’un péril nous menace — péril sans cesse présent et d’autant plus terrible que je ne puis le préciser.

   OCTOBER 16TH.--A dull and foggy day with a drizzle of rain. The house is banked in with rolling clouds, which rise now and then to show the dreary curves of the moor, with thin, silver veins upon the sides of the hills, and the distant boulders gleaming where the light strikes upon their wet faces. It is melancholy outside and in. The baronet is in a black reaction after the excitements of the night. I am conscious myself of a weight at my heart and a feeling of impending danger--ever present danger, which is the more terrible because I am unable to define it.

   « N’ai-je pas raison de craindre ? Cette longue série d’incidents ne dénote-t-elle pas une influence maligne s’exerçant autour de nous ? C’est d’abord la fin tragique du dernier commensal du château de Baskerville qui meurt de la même mort que son ancêtre Hugo. Puis viennent les affirmations des paysans relatives à la présence sur la lande d’un animal extraordinaire. N’ai-je pas entendu deux fois de mes propres oreilles, un bruit qui ressemblait à l’aboiement lointain d’un chien ? Mais il est incroyable, inadmissible, que ce bruit soit dû à une cause surnaturelle. Comment un chien-fantôme marquerait-il sur le sol l’empreinte de ses pas et remplirait-il l’air de ses hurlements ? Stapleton peut avoir de ces superstitions ; Mortimer également. Mais moi ? Je me flatte de posséder une qualité inappréciable : le sens commun — et rien ne me fera croire à de pareilles absurdités. Ma crédulité me rabaisserait au niveau de ces paysans ignares qui ne se contentent pas d’affirmer l’existence d’un animal fantastique, mais qui le dépeignent comme lançant du feu par la gueule et par les yeux. Holmes n’ajouterait aucune foi à ces inventions — et je suis son agent. Mais, d’autre part, les faits sont les faits, et, à deux reprises différentes, j’ai entendu ces cris sur la lande. Supposons pour un instant qu’un animal prodigieux, d’une espèce inconnue, erre la nuit dans la campagne. Sa présence ne suffirait-elle pas à tout expliquer ? » Alors, où ce chien se cacherait-il ? Où prendrait-il sa nourriture ? D’où viendrait-il et pourquoi ne l’aurait-on jamais aperçu à la clarté du jour ? On doit avouer qu’une explication naturelle de ces faits offre presque autant de difficulté que l’admission d’une intervention surnaturelle. En dehors du chien, il reste toujours le fait matériel de l’homme aperçu dans le cab et de la lettre qui mettait sir Henry en garde contre les dangers de la lande. Ceci, au moins, appartient bien au domaine de la réalité ; mais ce peut être l’œuvre d’un ami aussi bien que celle d’un ennemi. À cette heure, où se trouvait cet ami ou cet ennemi ? N’a-t-il pas quitté Londres ou nous a-t-il accompagnés jusqu’ici ? Serait-ce…. Oui, serait-ce l’inconnu que j’ai entrevu sur le pic ?

   And have I not cause for such a feeling? Consider the long sequence of incidents which have all pointed to some sinister influence which is at work around us. There is the death of the last occupant of the Hall, fulfilling so exactly the conditions of the family legend, and there are the repeated reports from peasants of the appearance of a strange creature upon the moor. Twice I have with my own ears heard the sound which resembled the distant baying of a hound. It is incredible, impossible, that it should really be outside the ordinary laws of nature. A spectral hound which leaves material footmarks and fills the air with its howling is surely not to be thought of. Stapleton may fall in with such a superstition, and Mortimer also; but if I have one quality upon earth it is common-sense, and nothing will persuade me to believe in such a thing. To do so would be to descend to the level of these poor peasants, who are not content with a mere fiend dog but must needs describe him with hell-fire shooting from his mouth and eyes. Holmes would not listen to such fancies, and I am his agent. But facts are facts, and I have twice heard this crying upon the moor. Suppose that there were really some huge hound loose upon it; that would go far to explain everything. But where could such a hound lie concealed, where did it get its food, where did it come from, how was it that no one saw it by day? It must be confessed that the natural explanation offers almost as many difficulties as the other. And always, apart from the hound, there is the fact of the human agency in London, the man in the cab, and the letter which warned Sir Henry against the moor. This at least was real, but it might have been the work of a protecting friend as easily as of an enemy. Where is that friend or enemy now? Has he remained in London, or has he followed us down here? Could he--could he be the stranger whom I saw upon the tor?

   « Je reconnais que je ne l’ai vu que l’espace d’une minute, et cependant je suis prêt à jurer certaines choses le concernant. D’abord, il ne ressemble à aucune des personnes que j’ai rencontrées dans le pays, et je connais maintenant tous nos voisins. Cet homme était plus grand que Stapleton et plus mince que Frankland. Il se rapprocherait davantage de l’aspect de Barrymore. Mais le valet de chambre était resté au château, derrière nous, et je suis sûr qu’il ne pouvait nous avoir suivis. Alors un inconnu nous espionne ici, de même qu’un inconnu nous espionnait à Londres. Si je mets jamais la main sur cet homme, nous toucherons au terme de nos embarras. Tous mes efforts vont tendre vers ce seul but.

   It is true that I have had only the one glance at him, and yet there are some things to which I am ready to swear. He is no one whom I have seen down here, and I have now met all the neighbours. The figure was far taller than that of Stapleton, far thinner than that of Frankland. Barrymore it might possibly have been, but we had left him behind us, and I am certain that he could not have followed us. A stranger then is still dogging us, just as a stranger dogged us in London. We have never shaken him off. If I could lay my hands upon that man, then at last we might find ourselves at the end of all our difficulties. To this one purpose I must now devote all my energies.

   « Mon premier mouvement fut de confier mes projets à sir Henry. Mon second — beaucoup plus sage me poussa à jouer la partie tout seul et à parler le moins possible de ce que je comptais entreprendre. Le baronnet est préoccupé. Ce bruit perçu sur la lande a ébranlé ses nerfs. Je ne viendrai pas augmenter ses angoisses ; mais je vais prendre toutes mes mesures pour réussir.

   My first impulse was to tell Sir Henry all my plans. My second and wisest one is to play my own game and speak as little as possible to anyone. He is silent and distrait. His nerves have been strangely shaken by that sound upon the moor. I will say nothing to add to his anxieties, but I will take my own steps to attain my own end.

   « Ce matin, il s’est passé au château une petite scène qui mérite d’être racontée. Barrymore demanda à sir Henry la faveur d’un entretien. Ils allèrent s’enfermer quelque temps dans la bibliothèque. Je demeurai dans la salle de billard d’où j’entendis plusieurs fois un bruit de voix montées à un diapason assez aigu. Je me doutais bien de ce qui faisait l’objet de leur discussion. Enfin, le baronnet ouvrit la porte et m’appela :

   We had a small scene this morning after breakfast. Barrymore asked leave to speak with Sir Henry, and they were closeted in his study some little time. Sitting in the billiard-room I more than once heard the sound of voices raised, and I had a pretty good idea what the point was which was under discussion. After a time the baronet opened his door and called for me.

   « — Barrymore, me dit-il, estime qu’il a un grief contre nous. Il pense qu’il était peu délicat de notre part de nous mettre à la recherche de son beau-frère, alors qu’il nous avait parlé en confidence de sa présence sur la lande. »

   "Barrymore considers that he has a grievance," he said. "He thinks that it was unfair on our part to hunt his brother-in-law down when he, of his own free will, had told us the secret."

   « Le valet de chambre se tenait devant nous, très pâle, mais aussi très calme.

   The butler was standing very pale but very collected before us.

   « — Peut-être, répondit-il, ai-je eu le tort de m’emporter…. S’il en est ainsi, veuillez me pardonner, sir Henry. Tout de même j’ai été fort surpris d’apprendre ce matin que vous aviez donné la chasse à Selden. Le pauvre garçon a déjà bien assez de monde à ses trousses, sans que j’en grossisse le nombre par mon fait.

   "I may have spoken too warmly, sir," said he, "and if I have, I am sure that I beg your pardon. At the same time, I was very much surprised when I heard you two gentlemen come back this morning and learned that you had been chasing Selden. The poor fellow has enough to fight against without my putting more upon his track."

   « — Si vous aviez parlé spontanément, reprit le baronnet, la chose serait toute différente. Mais vous n’êtes entré — ou mieux votre femme n’est entrée dans la voie des aveux, que contrainte par nous et lorsqu’il vous était difficile à tous deux de faire autrement.

   "If you had told us of your own free will it would have been a different thing," said the baronet, "you only told us, or rather your wife only told us, when it was forced from you and you could not help yourself."

   « — Je ne m’attendais pas, sir Henry, à ce que vous vous prévaudriez de notre confiance… non, je ne m’y attendais pas !

   "I didn't think you would have taken advantage of it, Sir Henry--indeed I didn't."

   « — Cet homme constitue un danger public. Il existe, disséminées sur la lande, des maisons isolées… et c’est un misérable que rien n’arrêterait. Il n’y a qu’à le regarder pour s’en convaincre. Prenez, par exemple, l’intérieur de M. Stapleton…. Le naturaliste est l’unique défenseur de son foyer. Non, la sécurité ne règnera dans les environs que lorsque Selden sera bel et bien sous les verrous.

   "The man is a public danger. There are lonely houses scattered over the moor, and he is a fellow who would stick at nothing. You only want to get a glimpse of his face to see that. Look at Mr. Stapleton's house, for example, with no one but himself to defend it. There's no safety for anyone until he is under lock and key."

   « — Selden ne s’introduira dans aucune maison, monsieur, je vous en donne solennellement ma parole d’honneur. D’ailleurs, il débarrassera bientôt le pays de sa présence. Je vous assure, sir Henry, qu’avant peu de jours toutes les démarches seront terminées pour s’il s’embarque à destination de l’Amérique du Sud. Au nom du ciel, je vous supplie de ne pas le dénoncer à la justice…. On a renoncé à le rechercher ; qu’il vive, tranquille, les quelques jours qui le séparent encore de son départ ! Appeler de nouveau sur lui l’attention de la police, c’est nous causer de graves ennuis, à ma femme et à moi.… Je vous en prie, monsieur, ne dites rien.

   "He'll break into no house, sir. I give you my solemn word upon that. But he will never trouble anyone in this country again. I assure you, Sir Henry, that in a very few days the necessary arrangements will have been made and he will be on his way to South America. For God's sake, sir, I beg of you not to let the police know that he is still on the moor. They have given up the chase there, and he can lie quiet until the ship is ready for him. You can't tell on him without getting my wife and me into trouble. I beg you, sir, to say nothing to the police."

   « — Quoi est votre avis, Watson ? » me demanda sir Henry.

   "What do you say, Watson?"

   « Je haussai les épaules :

    « — S’il allait se faire pendre ailleurs, répondis-je, ce serait une charge de moins pour les contribuables.

   I shrugged my shoulders. "If he were safely out of the country it would relieve the tax-payer of a burden."

   « — Oui ; mais en attendant, comment l’empêcher de commettre des méfaits ? répliqua mon jeune ami.

   "But how about the chance of his holding someone up before he goes?"

   « — Ne craignez pas cela de lui, insista Barrymore. nous lui avons procuré tout ce dont il pouvait avoir besoin. Et puis, commettre un crime équivaudrait à révéler l’endroit où il se cache.

   "He would not do anything so mad, sir. We have provided him with all that he can want. To commit a crime would be to show where he was hiding."

   « — C’est vrai, convint sir Henry…. Soit ! Barrymore; nous ne dirons rien.

   "That is true," said Sir Henry. "Well, Barrymore --"

   « — Dieu vous bénisse, monsieur, et je vous remercie du fond du cœur. Si l’on avait repris son frère ma pauvre femme en serait morte. »

   "God bless you, sir, and thank you from my heart! It would have killed my poor wife had he been taken again."

   « Le baronnet parut regretter aussitôt sa promesse, car, en s’adressant à moi, il reprit : « — En somme, nous protégeons et nous encourageons un criminel…. Enfin, après les paroles de Barrymore, je ne me sens plus le courage de livrer cet homme…. Allons, ne parlons plus de cela… Vous pouvez vous retirer. »

   "I guess we are aiding and abetting a felony, Watson? But, after what we have heard I don't feel as if I could give the man up, so there is an end of it. All right, Barrymore, you can go."

   « Avec toutes sortes de protestations de gratitude, le domestique se disposait à sortir. Tout à coup il hésita et revint sur ses pas.

   With a few broken words of gratitude the man turned, but he hesitated and then came back.

   « — Vous vous êtes montré si bon pour moi, dit-il en s’adressant à sir Henry, que je tiens à vous en témoigner ma reconnaissance. Je sais une chose que j’aurais déjà racontée, si je ne l’avais apprise postérieurement à la clôture de l’enquête. Je n’en ai encore soufflé mot à personne…. C’est à propos de la mort de ce pauvre sir Charles. »

   "You've been so kind to us, sir, that I should like to do the best I can for you in return. I know something, Sir Henry, and perhaps I should have said it before, but it was long after the inquest that I found it out. I've never breathed a word about it yet to mortal man. It's about poor Sir Charles's death."

   « À ces mots, nous nous dressâmes, le baronnet et moi.

    « — Savez-vous comment il est mort ?

   The baronet and I were both upon our feet. "Do you know how he died?"

   « — Non, monsieur ; il ne s’agit pas de cela.

   "No, sir, I don't know that."

   « — De quoi, alors ?

   "What then?"

   « — De la raison pour laquelle sir Charles se trouvait à la porte de la lande. Il attendait une femme.

   "I know why he was at the gate at that hour. It was to meet a woman."

   « — Il attendait une femme ! Lui ?

   "To meet a woman! He?"

   « — Oui, monsieur.

   "Yes, sir."

   « — Le nom de cette femme ?

   "And the woman's name?"

   « — J’ignore son nom, mais je puis vous donner ses initiales.

    « — Quelles sont-elles ?

    « — L. L.

   "I can't give you the name, sir, but I can give you the initials. Her initials were L. L."

   « — Comment les connaissez-vous ?

   "How do you know this, Barrymore?"

   « — Voici. Le matin de sa mort, votre oncle avait reçu une lettre. Il en recevait journellement un grand nombre…. Il avait le cœur généreux et tous ceux qui se trouvaient dans le besoin ne manquaient pas de s’adresser à lui. Par extraordinaire, ce matin là, le courrier n’apporta qu’une lettre…. Je la remarquai davantage…. Elle venait de Coombe Tracey…. Une femme en avait écrit la suscription.

   "Well, Sir Henry, your uncle had a letter that morning. He had usually a great many letters, for he was a public man and well known for his kind heart, so that everyone who was in trouble was glad to turn to him. But that morning, as it chanced, there was only this one letter, so I took the more notice of it. It was from Coombe Tracey, and it was addressed in a woman's hand."

   « — Après ?

   "Well?"

   « — Je n’y pensai plus, et, sans ma femme, je ne m’en serais certainement plus souvenu. Seulement, il y a quelques jours, en nettoyant le cabinet de sir Charles — on n’y avait pas touché depuis le jour de sa mort. Élisa trouva au fond de la cheminée les cendres d’une lettre qu’on avait brûlée. Auparavant on l’avait déchirée en menus morceaux. Cependant, sur une petite bande de papier — une fin de page on pouvait encore lire l’écriture qui se détachait en gris sur le vélin calciné. Il nous sembla que c’était un post-scriptum. Nous lûmes : « Je vous en prie, je vous en supplie, vous êtes un homme d’honneur, brûlez cette lettre et venez ce soir, à dix heures, à la porte de la lande ». On avait signé des deux initiales L. L.

   "Well, sir, I thought no more of the matter, and never would have done had it not been for my wife. Only a few weeks ago she was cleaning out Sir Charles's study--it had never been touched since his death--and she found the ashes of a burned letter in the back of the grate. The greater part of it was charred to pieces, but one little slip, the end of a page, hung together, and the writing could still be read, though it was gray on a black ground. It seemed to us to be a postscript at the end of the letter, and it said: 'Please, please, as you are a gentleman, burn this letter, and be at the gate by ten o clock. Beneath it were signed the initials L. L."

   « — Avez-vous conservé cette bande de papier ?

   "Have you got that slip?"

   « — Non, monsieur ; dès que nous la touchâmes, elle tomba en poussière.

   "No, sir, it crumbled all to bits after we moved it."

   « — Sir Charles avait-il reçu d’autres lettres de cette même écriture ?

   "Had Sir Charles received any other letters in the same writing?"

   « — Je ne prenais pas garde à ses lettres. Je n’aurais prêté aucune attention à celle-là, si d’autres l’avaient accompagnée.

   "Well, sir, I took no particular notice of his letters. I should not have noticed this one, only it happened to come alone."

   « — Vous ne soupçonnez pas qui peut être L. L. ?

   "And you have no idea who L. L. is?"

   « — Non, monsieur,… pas plus que vous-même. Je crois que si nous parvenions à percer l’anonymat de cette dame, nous en saurions plus long sur la mort de sir Charles.

   "No, sir. No more than you have. But I expect if we could lay our hands upon that lady we should know more about Sir Charles's death."

   « — Je ne m’explique pas, Barrymore, pourquoi vous avez caché un détail de cette importance.

   "I cannot understand, Barrymore, how you came to conceal this important information."

   « — Que voulez-vous, monsieur ?… Le malheur nous avait frappés, nous aussi…. Selden, mon beau-frère !… Et puis nous aimions beaucoup sir Charles,… il nous avait fait tant de bien !… Raconter ce détail n’aurait pas ressuscité notre pauvre maître ; nous nous sommes tus par égard pour lui…. Dame ! il faut toujours se montrer prudent, lorsque la réputation d’une femme est en jeu. Le meilleur d’entre nous…

   "Well, sir, it was immediately after that our own trouble came to us. And then again, sir, we were both of us very fond of Sir Charles, as we well might be considering all that he has done for us. To rake this up couldn't help our poor master, and it's well to go carefully when there's a lady in the case. Even the best of us ----"

   « — En quoi la mémoire de mon oncle aurait-elle souffert ?

   "You thought it might injure his reputation?"

   « — En tout cas, je ne pensais pas que cette révélation dût la servir. Mais maintenant j’aurais mal reconnu votre bonté, si je ne vous avais pas dit tout ce que je savais sur ce sujet.

   "Well, sir, I thought no good could come of it. But now you have been kind to us, and I feel as if it would be treating you unfairly not to tell you all that I know about the matter."

   « — Très bien, Barrymore ; vous pouvez vous retirer. »

    « Lorsque le valet de chambre fut sorti, sir Henry se retourna vers moi.

    « — Eh bien, Watson, votre opinion sur ce fait nouveau ?

   "Very good, Barrymore; you can go." When the butler had left us Sir Henry turned to me. "Well, Watson, what do you think of this new light?"

   « — Je crois qu’il plonge l’affaire dans des ténèbres plus épaisses qu’auparavant.

   "It seems to leave the darkness rather blacker than before."

   « — C’est également mon avis. Ah ! si nous découvrions qui est cette L. L., tout se trouverait singulièrement éclairci. Nous avons fait néanmoins un grand pas. Nous savons qu’il existe une femme qui, si nous la retrouvons, devra nous expliquer ce nouvel incident. Quel est votre avis ?

   "So I think. But if we can only trace L. L. it should clear up the whole business. We have gained that much. We know that there is someone who has the facts if we can only find her. What do you think we should do?"

   « — Communiquer d’abord ceci à Sherlock Holmes, nous tenons peut-être la clef du mystère qu’il cherche encore à cette heure. »

   "Let Holmes know all about it at once. It will give him the clue for which he has been seeking. I am much mistaken if it does not bring him down."

   Je montai dans ma chambre et je rédigeai immédiatement pour Sherlock Holmes la relation de cette intéressante conversation. Mon ami devait être fort occupé à Londres, car les notes que je recevais de Baker street étaient rares, courtes, sans commentaires sur les renseignements transmis par moi, et ne contenaient que de brèves recommandations au sujet de ma mission. Probablement, le cas de chantage soumis à Holmes absorbait tous ses instants. Cependant je pensai que ce nouveau facteur introduit dans l’affaire de Baskerville appellerait sûrement son attention et raviverait son intérêt. Je souhaitais du fond du cœur qu’il fût près de moi.

   I went at once to my room and drew up my report of the morning's conversation for Holmes. It was evident to me that he had been very busy of late, for the notes which I had from Baker Street were few and short, with no comments upon the information which I had supplied and hardly any reference to my mission. No doubt his blackmailing case is absorbing all his faculties. And yet this new factor must surely arrest his attention and renew his interest. I wish that he were here.

   « Malgré moi, je songeais au prisonnier évadé qui errait sans abri sur la lande morne et glaciale. Le pauvre diable! Quels que soient ses crimes, il faut lui tenir compte de ce qu’il a souffert. Ce souvenir en évoque d’autres : celui de l’homme entrevu à travers la glace du cab et la silhouette qui se profila sur le ciel, au sommet du pic. Était-il également dehors, sous ce déluge, cet ami des ténèbres, ce veilleur inconnu ? Vers le soir, je passai mon manteau en caoutchouc et je sortis sur la lande. La pluie me battait le visage ; le vent sifflait à mes oreilles. J’étais en proie aux plus sombres pensées. Que Dieu vienne en aide à ceux qui s’engagent à cette heure sur la fondrière de Grimpen, car la terre ferme n’est déjà plus qu’un immense marécage ! Je gravis le pic Noir, celui sur lequel j’avais aperçu le veilleur solitaire, et du haut de sa cime rocheuse, je contemplai à mon tour la plaine dénudée qui s’étendait à mes pieds. Les rafales de pluie s’écrasaient sur la surface rouge de la terre et les nuages, lourds, aux teintes d’ardoise, formaient comme de grises couronnes aux sommets des collines fantastiques. À gauche, dans un bas-fond à moitié caché par les embruns, les deux tourelles du château de Baskerville se dressaient au-dessus des arbres du parc. Elles représentaient, avec les huttes préhistoriques qui se pressaient sur le flanc des coteaux, les seuls indices de vie humaine que je pusse apercevoir. Je ne découvris aucune trace de l’homme entrevu, deux nuits auparavant, à l’endroit même où je me trouvais.

   OCTOBER 17TH.--All day to-day the rain poured down, rustling on the ivy and dripping from the eaves. I thought of the convict out upon the bleak, cold, shelterless moor. Poor devil! Whatever his crimes, he has suffered something to atone for them. And then I thought of that other one--the face in the cab, the figure against the moon. Was he also out in that deluged--the unseen watcher, the man of darkness? In the evening I put on my waterproof and I walked far upon the sodden moor, full of dark imaginings, the rain beating upon my face and the wind whistling about my ears. God help those who wander into the great mire now, for even the firm uplands are becoming a morass. I found the black tor upon which I had seen the solitary watcher, and from its craggy summit I looked out myself across the melancholy downs. Rain squalls drifted across their russet face, and the heavy, slate-coloured clouds hung low over the landscape, trailing in gray wreaths down the sides of the fantastic hills. In the distant hollow on the left, half hidden by the mist, the two thin towers of Baskerville Hall rose above the trees. They were the only signs of human life which I could see, save only those prehistoric huts which lay thickly upon the slopes of the hills. Nowhere was there any trace of that lonely man whom I had seen on the same spot two nights before.

   « En revenant à Baskerville par un petit sentier, je rencontrai Mortimer en dog-cart. Le docteur s’était montré plein d’attentions pour nous. Il ne se passait pas de jour qu’il ne vînt au château s’informer de ce que nous devenions. Mortimer insista pour me faire monter dans sa voiture, il voulait me reconduire un bout de chemin. Il me fit part de la préoccupation que lui causait la perte de son caniche. Le chien s’était échappé sur la lande et, depuis lors, son maître ne l’avait plus revu. Je prodiguai à ce bon docteur toutes sortes de consolations, mais je revis dans mon esprit le cheval disparaissant dans la fondrière de Grimpen, et je me dis que notre ami ne retrouverait plus son fidèle compagnon.

   As I walked back I was overtaken by Dr. Mortimer driving in his dog-cart over a rough moorland track which led from the outlying farmhouse of Foulmire. He has been very attentive to us, and hardly a day has passed that he has not called at the Hall to see how we were getting on. He insisted upon my climbing into his dog-cart, and he gave me a lift homeward. I found him much troubled over the disappearance of his little spaniel. It had wandered on to the moor and had never come back. I gave him such consolation as I might, but I thought of the pony on the Grimpen Mire, and I do not fancy that he will see his little dog again.

   « — À propos, Mortimer, lui dis-je, tandis que la voiture nous cahotait, je présume que vous connaissez toutes les personnes qui habitent ici, dans un rayon de plusieurs milles.

   "By the way, Mortimer," said I as we jolted along the rough road, "I suppose there are few people living within driving distance of this whom you do not know?"

   « — Vous avez raison.

   "Hardly any, I think."

   « — Dans ce cas, pourriez-vous m’apprendre quelle est la femme dont le nom et le prénom commencent tous les deux par la lettre L ? »

   "Can you, then, tell me the name of any woman whose initials are L. L.?"

   « — docteur réfléchit pendant un instant.

   He thought for a few minutes.

   « — Non, fit-il. Il existe bien quelques laboureurs et quelques bohémiens dont j’ignore le nom ; mais, parmi les femmes de bourgeois ou de fermiers, je n’en vois pas qui aient ces initiales. Attendez un peu ! reprit-il après une pause…. Il y a Laura Lyons,… ses initiales sont bien L. L ;… seulement elle demeure à Coombe Tracey.

   "No," said he. "There are a few gipsies and labouring folk for whom I can't answer, but among the farmers or gentry there is no one whose initials are those. Wait a bit though," he added after a pause. "There is Laura Lyons--her initials are L. L.--but she lives in Coombe Tracey."

   « — Qui est-elle ? demandai-je.

   "Who is she?" I asked.

   « — C’est la fille de Frankland,

   "She is Frankland's daughter."

   « — Quoi ! de ce vieux toqué de Frankland ?

   "What! Old Frankland the crank?"

   « — Parfaitement, elle a épousé un artiste, nommé Lyons, qui venait prendre des croquis sur la lande. Il s’est conduit envers elle comme un goujat,… il l’a abandonnée. S’il faut en croire la rumeur publique, il n’avait pas tous les torts. Quant à Frankland, il ne veut plus entendre parler de sa fille, sous prétexte qu’elle s’est mariée malgré lui — et peut-être aussi pour deux ou trois autres raisons. En tout cas, abandonnée de son mari et de son père, la jeune femme n’a pas beaucoup d’agrément.

   "Exactly. She married an artist named Lyons, who came sketching on the moor. He proved to be a blackguard and deserted her. The fault from what I hear may not have been entirely on one side. Her father refused to have anything to do with her because she had married without his consent, and perhaps for one or two other reasons as well. So, between the old sinner and the young one the girl has had a pretty bad time."

   « — De quoi vit-elle ?

   "How does she live?"

   « — Je crois que Frankland lui envoie quelques subsides… bien maigres probablement, car ses affaires sont peu prospères. Quels que soient les torts de Laura, on ne pouvait la laisser dans cette affreuse misère. Son histoire a transpiré, et plusieurs de nos amis ont fait leur possible pour l’aider à gagner honnêtement sa vie. Stapleton, sir Charles et moi-même, nous y avons contribué dans la mesure de nos moyens. Nous voulions la placer à la tête d’une entreprise de dactylographie. »

   "I fancy old Frankland allows her a pittance, but it cannot be more, for his own affairs are considerably involved. Whatever she may have deserved one could not allow her to go hopelessly to the bad. Her story got about, and several of the people here did something to enable her to earn an honest living. Stapleton did for one, and Sir Charles for another. I gave a trifle myself. It was to set her up in a typewriting business."

   « Mortimer essaya de connaître le pourquoi de ces questions. Je m’arrangeai de façon à satisfaire sa curiosité, sans toutefois lui en dire trop long, car je ne jugeais pas utile de lui confier mes projets. Je me promis d’aller le lendemain matin à Coombe Tracey. J’espérais que, si je parvenais à joindre cette Laura Lyons, de si équivoque réputation, j’aurais fait un grand pas vers l’éclaircissement de tous ces mystères enchevêtrés les uns dans les autres. Au cours de ma conversation avec Mortimer, je dus user de l’astuce du serpent. À un moment, le docteur me pressa de questions embarrassantes ; je m’en tirai en lui demandant d’un air fort innocent à quelle catégorie appartenait le crâne de Frankland. À partir de cet instant, nous ne parlâmes plus que de phrénologie. — Je ne pouvais avoir passé inutilement de si longues années auprès de Sherlock Holmes !

   He wanted to know the object of my inquiries, but I managed to satisfy his curiosity without telling him too much, for there is no reason why we should take anyone into our confidence. To-morrow morning I shall find my way to Coombe Tracey, and if I can see this Mrs. Laura Lyons, of equivocal reputation, a long step will have been made towards clearing one incident in this chain of mysteries. I am certainly developing the wisdom of the serpent, for when Mortimer pressed his questions to an inconvenient extent I asked him casually to what type Frankland's skull belonged, and so heard nothing but craniology for the rest of our drive. I have not lived for years with Sherlock Holmes for nothing.

   « À noter encore pour ce jour-là une conversation avec Barrymore, qui m’a fourni un atout que je compte bien jouer au moment opportun.

   I have only one other incident to record upon this tempestuous and melancholy day. This was my conversation with Barrymore just now, which gives me one more strong card which I can play in due time.

   « Nous avions retenu Mortimer à dîner. Le soir, le baronnet et lui se livrèrent à d’interminables parties d’écarté. Barrymore m’avait servi le café dans la bibliothèque, et je profitai de ce que nous étions seuls pour lui poser quelques questions.

   Mortimer had stayed to dinner, and he and the baronet played ecarté afterwards. The butler brought me my coffee into the library, and I took the chance to ask him a few questions.

   « — Votre cher beau-frère est-il parti, lui dis-je, ou bien vagabonde-t-il toujours sur la lande ?

   "Well," said I, "has this precious relation of yours departed, or is he still lurking out yonder?"

   « — Je l’ignore, monsieur. J’aime à croire que nous en sommes enfin débarrassés, car il ne nous a jamais procuré que des ennuis. Je lui ai porté des provisions pour la dernière fois, il y a trois jours ; depuis, il ne nous a pas donné signe de vie.

   "I don't know, sir. I hope to heaven that he has gone, for he has brought nothing but trouble here! I've not heard of him since I left out food for him last, and that was three days ago."

   « — Ce jour-là, l’avez-vous vu ?

   "Did you see him then?"

   « — Non, monsieur. Mais, le lendemain, les provisions avaient disparu.

   "No, sir, but the food was gone when next I went that way."

   « — Donc, il était encore là.

   "Then he was certainly there?"

   « — Oui… à moins que ce ne soit l’autre qui les ait prises. »

   "So you would think, sir, unless it was the other man who took it."

   « La tasse que je portais à mes lèvres s’arrêta à mi-chemin de son parcours et je regardai Barrymore avec étonnement.

   I sat with my coffee-cup halfway to my lips and stared at Barrymore.

   « — Vous saviez qu’un autre homme se cachait sur la lande !

   "You know that there is another man then?"

   « — Oui, monsieur.

   "Yes, sir; there is another man upon the moor."

   « — L’avez-vous aperçu ?

   "Have you seen him?"

   « — Non, monsieur.

   "No, sir."

   « — Alors comment l’avez-vous appris ?

   "How do you know of him then?"

   « — Selden m’en a parlé… cet homme se cache également ; mais, d’après ce que je suppose, ce n’est pas un convict…. Tout cela me semble louche, docteur Watson,… je vous le dis en vérité, cela me semble très louche. »

    « Barrymore avait prononcé ces paroles avec un grand accent de sincérité.

   "Selden told me of him, sir, a week ago or more. He's in hiding, too, but he's not a convict as far as I can make out. I don't like it, Dr. Watson--I tell you straight, sir, that I don't like it." He spoke with a sudden passion of earnestness.

   « — Écoutez-moi, répliquai-je. Je n’ai d’autre souci que l’intérêt de votre maître et ma présence à Baskerville n’a d’autre but que de lui prêter mon concours. Dites-moi bien franchement ce qui vous paraît louche. »

   "Now, listen to me, Barrymore! I have no interest in this matter but that of your master. I have come here with no object except to help him. Tell me, frankly, what it is that you don't like."

   « Barrymore hésita un instant ; regrettait-il déjà sa confidence et éprouvait-il de la difficulté à expliquer ses propres sentiments ?

   Barrymore hesitated for a moment, as if he regretted his outburst, or found it difficult to express his own feelings in words.

   « Enfin, il agita ses mains vers la fenêtre fouettée par la pluie, et, désignant la lande dans un geste de colère, il s’écria :

    « — Ce sont tous les potins qui courent !… Il y a quelque anguille sous roche…. On prépare quelque scélératesse ; ça, j’en jurerais ! Je ne me sentirai heureux que lorsque sir Henry sera reparti pour Londres.

   "It's all these goings-on, sir," he cried at last, waving his hand towards the rain-lashed window which faced the moor. "There's foul play somewhere, and there's black villainy brewing, to that I'll swear! Very glad I should be, sir, to see Sir Henry on his way back to London again!"

   « — Quelle est la cause de vos alarmes ?

   "But what is it that alarms you?"

   « — Souvenez-vous de la mort de sir Charles !… Le juge d’instruction nous a dit qu’elle était singulière…. Rappelez-vous les bruits de la lande pendant la nuit ! Une fois le soleil couché, aucun homme, même à prix d’argent, n’oserait s’y aventurer…. Et puis cet étranger qui se cache là-bas, guettant, attendant ! Qu’attend-il ? Que signifie tout cela ? Certainement rien de bon pour celui qui porte le nom de Baskerville. Je ne serai vraiment soulagé d’un grand poids que le jour où les nouveaux serviteurs de sir Henry prendront leur service au château.

   "Look at Sir Charles's death! That was bad enough, for all that the coroner said. Look at the noises on the moor at night. There's not a man would cross it after sundown if he was paid for it. Look at this stranger hiding out yonder, and watching and waiting! What's he waiting for? What does it mean? It means no good to anyone of the name of Baskerville, and very glad I shall be to be quit of it all on the day that Sir Henry's new servants are ready to take over the Hall."

   « — Parlons de cet inconnu, fis-je, en ramenant la conversation sur le seul sujet qui m’intéressât, Pouvez-vous m’apprendre quelque chose sur son compte ? Que vous a raconté Selden ? Sait-il pourquoi cet homme se cache ? Quelles sont ses intentions ?…

   "But about this stranger," said I. "Can you tell me anything about him? What did Selden say? Did he find out where he hid, or what he was doing?"

   « — Mon beau-frère l’a aperçu une ou deux fois ; mais, comme il est peu communicatif, il ne s’est pas montré prodigue de renseignements. Tout d’abord Selden a cru que cet inconnu appartenait à la police ; mais, comme il cherchait également la solitude, mon beau-frère a vite reconnu son erreur. D’après ce que Selden a pu en juger, ce nouvel habitant de la lande aurait les allures d’un gentleman. Que fait-il là ?… Mon parent l’ignore.

   "He saw him once or twice, but he is a deep one, and gives nothing away. At first he thought that he was the police, but soon he found that he had some lay of his own. A kind of gentleman he was, as far as he could see, but what he was doing he could not make out."

   « — Où vit-il ?

   "And where did he say that he lived?"

   « — Sur le versant de la colline, au milieu de ces huttes de pierres habitées autrefois par nos ancêtres.

   "Among the old houses on the hillside--the stone huts where the old folk used to live."

   « — Comment se procure-t-il de la nourriture ?

   "But how about his food?"

   « — Un jeune garçon prend soin de lui et lui apporte tout ce dont il a besoin. Selden croit que le gamin va s’approvisionner à Coombe Tracey.

   "Selden found out that he has got a lad who works for him and brings him all he needs. I dare say he goes to Coombe Tracey for what he wants."

   « — Fort bien, Barrymore, répondis-je. Nous reprendrons plus tard cette conversation. »

    « Le valet de chambre sorti, je m’approchai de la fenêtre. Dehors, il faisait noir. À travers les vitres recouvertes de buée, je contemplai les nuages que le vent chassait dans le ciel et la cime des arbres qui se courbait sous la bourrasque. La nuit, déjà dure pour les gens calfeutrés dans une maison confortable, devait être terrible pour ceux qui n’avaient d’autre abri sur la lande qu’une hutte de pierre ! Fallait-il qu’elle fût profonde, la haine qui poussait un homme à errer à une pareille heure et dans un tel endroit ! Seul un mobile bien puissant pouvait justifier une semblable séquestration du monde ! Ainsi donc, dans une hutte de la lande, se trouvait la solution du problème que je brûlais du désir de résoudre. Je jurai que vingt-quatre heures ne s’écouleraient pas sans que j’eusse tenté tout ce qu’il est humainement possible de faire pour aller jusqu’au tréfonds même de ce mystère. »

   "Very good, Barrymore. We may talk further of this some other time." When the butler had gone I walked over to the black window, and I looked through a blurred pane at the driving clouds and at the tossing outline of the wind-swept trees. It is a wild night indoors, and what must it be in a stone hut upon the moor. What passion of hatred can it be which leads a man to lurk in such a place at such a time! And what deep and earnest purpose can he have which calls for such a trial! There, in that hut upon the moor, seems to lie the very centre of that problem which has vexed me so sorely. I swear that another day shall not have passed before I have done all that man can do to reach the heart of the mystery.

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